La liberté de panorama, future exception envisagée au droit d’auteur

Le 26 janvier 2016, l’Assemblée Nationale a adopté en première lecture le projet de loi pour une République numérique, lequel contient un article 18 ter qui intègre la liberté de panorama en matière de droit d’auteur.

Rappelons que le droit d’auteur pose notamment comme principe qu’une œuvre ne peut être reproduite ou représentée sans l’autorisation de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause. (article L 122-4 du Code de la Propriété Intellectuelle)

Ce principe connaît des exceptions légales, telles que la représentation dans le cercle de famille, la reproduction strictement réservée à l’usage privé du copiste et non destinée à une utilisation collective, etc… (article L 122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle)

La liberté de panorama viendrait alors s’ajouter à ces exceptions. (en 11° de l’article L 122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle)

Cette liberté de panorama existe déjà dans d’autres pays sous des formes plus ou moins variées.

Elle signifie en résumé qu’il est possible de reproduire et de représenter une œuvre architecturale et/ou sculpturale qui se trouve dans l’espace public sans requérir l’autorisation préalable de l’auteur. (ex. : Viaduc de Millau, Pyramide du Louvre)

Autrement dit, si en l’état actuel du droit positif, il est permis de photographier une sculpture qui se trouve dans l’espace public pour son usage privé ou pour la communiquer à son cercle familial en se passant de l’autorisation du sculpteur, la liberté de panorama permettrait alors d’aller plus loin, par exemple d’exploiter l’image de cette sculpture dans un film pour le cinéma, voire dans des cartes postales.

Toutefois, la disposition adoptée ne va pas jusque-là, puisse qu’elle a encadré la liberté de panorama : non seulement les œuvres architecturales et sculptures pouvant être reproduites et représentées doivent être placées en permanence sur la voie publique, ce qui exclut notamment les œuvres des expositions temporaires dans l’espace public mais en plus, les reproductions et représentations doivent être réalisées par des particuliers à des fins non lucratives.

Le droit d’auteur ne serait donc pas bouleversé, d’autant que la jurisprudence permettait déjà de reproduire et de représenter, sans l’autorisation de l’auteur, ce type d’œuvres lorsqu’elles ne constituent qu’un accessoire du sujet principal traité.

A partir de là, le particulier pourrait à l’avenir publier sur un réseau social une photographie représentant, même en sujet principal, une sculpture placée en permanence sur la voie publique, sans risque de se voir reprocher une contrefaçon par le sculpteur.

C’est du moins semble-t-il l’objectif poursuivi par l’article 18 ter de la loi.

Mais le sculpteur ne pourrait-il pas tout de même arguer que le réseau social poursuit des « fins lucratives » ?

Aussi que doit-on entendre exactement par « particulier » ? Par exemple, une association à but non lucratif pourrait-elle se prévaloir de l’exception ?

Si l’exception de liberté de panorama devait effectivement entrer en vigueur telle qu’est rédigée aujourd’hui, il faudra encore attendre les premières décisions de jurisprudence pour s’assurer de son sens précis et de ses principaux effets.

Clovis BEUDARD